La neurogenèse hypothalamique adulte : sensibilité à la photopériode, devenir des neuroblastes et rôle dans la fonction de reproduction
Résumé
Le travail de cette thèse s’inscrit dans le cadre de l’étude des mécanismes impliqués dans le contrôle neuroendocrinien de la fonction de la reproduction. Chez les mammifères, la reproduction est contrôlée par l’hypothalamus, une structure du diencéphale. Chez le mouton, une espèce saisonnée, la fonction de reproduction est limitée à une période spécifique de l’année. Ces variations saisonnières de la fonction de reproduction pourraient être sous-tendues par l’existence de mécanismes de plasticité cellulaires tels que des processus de neurogenèse au sein de l’hypothalamus. La neurogenèse adulte est un processus de prolifération, de différenciation et de migration cellulaire, qui conduit à la formation de nouveaux neurones à partir de cellules souches neurales (CSN) localisées dans un microenvironnement spécialisé, appelé niche neurogénique. La présence de niche neurogénique a été démontrée dans plusieurs régions du cerveau dont l’hypothalamus. Chez le mouton la neurogenèse hypothalamique est régulée par la photopériode avec un taux de prolifération et un nombre de nouveaux neurones augmentés pendant la période d’activité sexuelle, correspondant à une photopériode de type jours courts, suggérant l’existence de possibles remaniements cellulaires au sein de l’hypothalamus en fonction des saisons.
Le premier objectif de ma thèse a été d’analyser les régulations physiologiques de la niche neurogénique hypothalamique en lien avec la photopériode chez le mouton, et d’étudier le devenir des nouveaux neurones hypothalamiques. La combinaison d’études immunohistochimiques et d’analyses en microscopie électronique a permis d’identifier les différents composants cellulaires et cytoarchitecturaux de la niche neurogénique hypothalamique et d’en étudier la sensibilité à la photopériode chez des brebis exposées à des jours courts ou des jours longs. Les résultats obtenus mettent en évidence que seuls les marqueurs exprimés par les CSN du noyau arqué sont sensibles aux variations de la photopériode car leurs expressions sont augmentées durant les jours courts. De même, la vascularisation de la niche neurogénique hypothalamique est augmentée pendant les jours courts. En revanche, les marqueurs exprimés par les cellules gliales ne sont pas sensibles à la photopériode. En lien avec ces résultats, nous montrons que l’organisation cytoarchitecturale du noyau arqué est différente en fonction de la photopériode puisque nous observons un nombre de CSN dans la couche épendymaire plus élevé pendant la photopériode courte. L’ensemble de ces résultats suggèrent l’existence de réorganisations cellulaires et cytoarchitecturales de la niche neurogénique hypothalamique en fonction de la photopériode chez le mouton.
Dans l’hypothalamus ovin, la présence de très jeunes neurones qui expriment la doublecortine (DCX), une protéine associée aux microtubules et impliquée dans la migration des neuroblastes, pourrait indiquer l’existence de processus migratoires au sein de cette structure. Dans le but d’étudier in vivo la voie de migration potentielle des nouveaux neurones de l’hypothalamus, nous avons réalisé une analyse longitudinale en imagerie par résonance magnétique (IRM). Pour ce faire, nous avons injecté un agent de contraste composé de particules d’oxyde de fer de taille micrométrique (MPIOs) (Shapiro et al 2006) dans le troisième ventricule. Ces MPIOs sont incorporées par une variété de types cellulaires dans le cerveau, y compris les cellules progénitrices/souches neurales (Sumner et al 2009, Granot et al., 2011), puis transportées au cours des processus de différentiation et de migration. Ces particules génèrent des signaux hypointenses permettant une analyse longitudinale en imagerie par IRM du trajet suivi par les nouveaux neurones (Shapiro et al 2006). Une première analyse immunohistochimique a confirmé que les MPIOs, couplés à un fluorophore, sont internalisés par des CSN. Les analyses des séquences IRM sont en cours.
Le second objectif de ma thèse a été de démontrer, chez la souris, le potentiel neurogénique des cellules hypothalamiques positives pour la GFAP (glial fibrillary acidic protein), et d’étudier la contribution de ces cellules dans les fonctions neuroendocrines contrôlées par l’hypothalamus, en particulier dans la physiologie de la reproduction. L’utilisation de souris transgéniques qui expriment la protéine fluorescente verte (GFP) sous le contrôle du promoteur de la GFAP a permis de démontrer que les cellules hypothalamiques positives pour la GFAP sont capables de proliférer in vitro sous forme de neurosphères et de générer des neurones, des astrocytes et des oligodendrocytes. L’ensemble de ces résultats démontrent que les cellules hypothalamiques positives pour la GFAP sont neurosphérogéniques et forment une population de cellules souches/progénitrices neurales (CSPN). La suppression sélective de ces CSPN GFAP positives, dans le cadre de la lignée de souris (GFAP-Tk) qui exprime la thymidine kinase du virus de l’herpès sous le contrôle du promoteur de la GFAP, a induit chez le mâle un hypogonadisme associé à une diminution de la taille des testicules et une vacuolisation des tubes séminifères, entrainant une diminution des concentrations de la testostérone et une absence de spermatogenèse. Cette perte de fonctions gonadiques entraine l’infertilité des mâles et une inhibition des comportements sexuels. La mise en place des comportements sexuels et la sécrétion de testostérone sont sous le contrôle des neurones à GnRH localisés dans l’aire préoptique (APO). La suppression des CSPN GFAP positives induit une réduction du nombre de neurones à GnRH dans l’APO, une diminution de l’expression de la GnRH dans l’éminence médiane ainsi qu’augmentation de la distance entre les neurones à GnRH et le microenvironnement glial qui les entoure. Cet appauvrissement du microenvironnement glial des neurones à GnRH pourrait conduire à l’altération de la synthèse et de la sécrétion du peptide. Nous mettons donc en évidence, pour la première fois, l’implication de la neurogenèse hypothalamique dans la régulation de la fonction de reproduction.
Abstract
The work of this thesis is part of a study aiming to identify the mechanisms involved in the neuroendocrine control of the reproductive function. In mammals, reproduction is controlled by the hypothalamus, a structure of the diencephalon. In sheep, a seasonal species, the reproductive function is limited to a specific period of the year. These seasonal variations in reproductive function could be subtended by the existence of cellular plasticity mechanisms such as neurogenesis processes within the hypothalamus. Adult neurogenesis is a process of proliferation, differentiation and cell migration, which leads to the formation of new neurons from neural stem cells (NSCs) located in a specialized microenvironment called a neurogenic niche. The presence of neurogenic niche has been demonstrated in several regions of the brain including the hypothalamus. In sheep, hypothalamic neurogenesis is regulated by the photoperiod with an increase of the proliferation rate and of the number of new neurons during the period of sexual activity, corresponding to short days, suggesting the existence of possible cellular rearrangements within the hypothalamus according to the seasons.
The first objective of my thesis was to analyze the physiological regulation of the hypothalamic neurogenic niche in relation to photoperiod in sheep and to study the fate of new hypothalamic neurons. The combination of immunohistochemical studies and electron microscopy analyzes identified the different cellular and cytoarchitectural components of the hypothalamic neurogenic niche and studied their sensitivity to photoperiod in ewes exposed to short days or long days. The results show that the markers expressed by the NSCs in the arcuate nucleus are sensitive to the variations of the photoperiod because their expressions are increased during the short days. Similarly, the vascularization of the hypothalamic neurogenic niche is increased during short days. However, the markers expressed by glial cells are not sensitive to photoperiod. Related to these results, we show that the cytoarchitectural organization of the arcuate nucleus differs according to the photoperiod since we observe a higher number of NSCs in the ependymal layer during the short photoperiod. These results suggest the existence of cellular and cytoarchitectural rearrangements in the sheep hypothalamic neurogenic niche according to the photoperiod.
In the ovine hypothalamus, the presence of young neurons that express doublecortin (DCX), a microtubule associated protein involved in the migration of neuroblasts, could indicate the existence of migratory processes within this structure. In order to study the in vivo migratory potential of the hypothalamic new neurons, we performed a longitudinal analysis in magnetic resonance imaging (MRI). We injected a contrast agent composed of micrometric size of iron oxide particles (MPIOs) (Shapiro et al.,., 2006) in the third ventricle. These MPIOs are incorporated by a variety of cell types in the brain, including neural stem/progenitor cells (Sumner et al., 2009; Granot et al., 2011), and then transported during differentiation and migration processes. These particles generate hypointense signals allowing longitudinal analysis of the path followed by the new neurons in MRI (Shapiro et al 2006). A first immunohistochemical analysis confirmed that the MPIOs, coupled to a fluorophore, are internalized by NSCs. Analyzes of the MRI sequences are in progress.
The second objective of my thesis was to demonstrate the neurogenic potential of hypothalamic GFAP positive cells (glial fibrillary acidic protein) in mice and to study the contribution of these cells in neuroendocrine functions controlled by the hypothalamus, in particular in the physiology of reproduction. The use of transgenic mice expressing the green fluorescent protein (GFP) under the control of the GFAP promoter demonstrated that hypothalamic GFAP positive cells are able to proliferate in vitro and generate neurons, astrocytes and oligodendrocytes. These results demonstrate that GFAP positive hypothalamic cells are neurospherogenic and form a population of neural stem/progenitor cells (NSPCs). The selective ablation of these GFAP NSPCs, in the mouse line (GFAP-Tk) which expresses the thymidine kinase of the herpes virus under the control of the GFAP promoter, induced a hypogonadism in the male associated with a decrease in the testes size and a vacuolization of the seminiferous tubules, leading to a decrease in testosterone concentrations and an absence of spermatogenesis. This loss of gonadal functions leads to male infertility and to the inhibition of sexual behavior. The establishment of sexual behavior and testosterone secretion are under the control of GnRH neurons located in the preoptic area (POA). The suppression of GFAP NSPCs induces a reduction in the number of GnRH neurons in the POA, a decrease in the expression of GnRH in the median eminence, and an increase in the distance between GnRH neurons and the surrounding glial microenvironment. This depletion of the glial microenvironment of the GnRH neurons could lead to the alteration of the synthesis and the release of the GnRH peptide. Thus, we demonstrate, for the first time, the involvement of hypothalamic neurogenesis in the regulation of the reproductive function.
Présentée le 2 juin 2017
Laboratoire où a été préparée la thèse : Microenvironnement et Dynamique des Réseaux Neuroendocrines (MiDyNNet), Physiologie de la Reproduction et des Comportements, UMR Inra, CNRS, Université François Rabelais de Tours, IFCE
Nom du directeur de thèse : Martine Migaud