Résumé
La réponse inflammatoire fournit à l’organisme un moyen puissant de combattre les infections. Le système neuroendocrinien joue un rôle important dans le contrôle de l’amplitude et de la durée de cette réponse ainsi que dans le maintien de l’homéostasie au cours de l’état inflammatoire. Les glucocorticoïdes libérés suite à l’activation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA) limitent la synthèse de molécules pro-inflammatoires, tandis que les hormones neurohypophysaires, vasopressine et ocytocine, agissent toutes les deux dans le cerveau et en périphérie pour maintenir l’homéostasie cardiovasculaire et métabolique et pour limiter la montée de la température corporelle.
Les pathogènes et leurs hôtes se combattant depuis des millénaires, les organismes hôtes ont développé de multiples mécanismes pour lutter contre les pathogènes. Parmi ceux-ci, l’activation du système immunitaire inné va induire différentes réponses inflammatoires dans le but d’empêcher les agents pathogènes d’envahir tout l’organisme. Elles incluent la diminution de la disponibilité en fer pour inhiber la multiplication bactérienne, les changements de comportement pour limiter la progression de l’infection et préserver les ressources de l’organisme, des augmentations de la température corporelle qui se traduisent par de la fièvre, et une réorganisation des sorties neuroendocrines pour contrôler l’inflammation. Étant donné que toutes ces réponses sont orchestrées par le cerveau, de nombreux mécanismes sont apparus pour que le cerveau puisse détecter les infections de l’organisme et y apporter une réponse appropriée.
Détecter l’ennemi
La réponse immune innée est mobilisée lors de la première exposition à un pathogène. Des molécules de surface spécifiques des pathogènes sont reconnues par des récepteurs spéciaux appelés toll-like-receptors (TLRs) présents sur les cellules immunes périphériques et même sur les cellules endothéliales qui bordent les vaisseaux sanguins du cerveau. Les cellules immunes activées synthétisent des molécules peptidiques pro-inflammatoires appelées cytokines, parmi lesquelles on trouve les interleukines (IL)- 1β, IL-6 et le facteur de nécrose tumorale α (TNFα). Ces cytokines se lient à des récepteurs situés sur les cellules endothéliales et périvasculaires des vaisseaux sanguins du cerveau et induisent dans le cerveau la synthèse d’une grande variété de molécules inflammatoires, dont les prostaglandines et d’autres cytokines. Faisant partie du répertoire des réponses neuronales à l’activation immune, ces molécules modifient l’activité des cellules neuroendocrines pour réguler les niveaux d’hormone périphérique et les comportements endocrine-dépendants.
Illustration des principales interactions immunes et neuroendocrines. Les cytokines et les prostaglandines (PGE) qui sont libérées en réponse à la détection de pathogènes par les cellules immunes envoient des signaux au cerveau pour activer des réponses centrales. Les systèmes neuroendocriniens qui sont activés pour aider à réguler la réponse inflammatoire incluent les corticostéroïdes, la vasopressine, l’ocytocine et l’adrénaline.
Garder le contrôle
La réponse inflammatoire est puissante et importante pour lutter contre l’infection, elle peut avoir des effets délétères sur le corps si elle n’est pas contrôlée. Ainsi, en même temps que la réponse pro-inflammatoire se met en place, une réponse anti-inflammatoire apparaît avec la synthèse de cytokines anti-inflammatoires et surtout l’activation du système neuroendocrinien. L’hypothalamus est, en particulier, une structure importante pour contrôler ces effets, à travers sa capacité à moduler à la fois la sécrétion d’hormones hypophysaires et le système sympathique. Les glucocorticoïdes jouent un rôle important en supprimant la production de cytokines pro-inflammatoires par les cellules du système immunitaire. Leur libération est contrôlée par l’axe hypothalamo- hypohyso-surrénalien (HPA) tout au long duquel agissent les molécules du système immunitaire.
Les neurones du noyau paraventriculaire de l’hypothalamus qui synthétisent la corticolibérine (en anglais, corticotropin releasing hormone : CRH) sont activés initialement par les prostaglandines et ensuite par les cytokines circulantes afin de prolonger la réponse de l’axe HPA. Il existe des effets stimulateurs additionnels des cytokines (IL-6 en particulier) au niveau de l’hypophyse et des surrénales pour activer encore plus la réponse HPA. Une hormone neurohypophysaire, la vasopressine, est également libérée à la fois dans le cerveau et dans la circulation sanguine pour contrecarrer une partie des processus inflammatoires. Cependant, les neurones à vasopressine semblent moins sensibles aux signaux inflammatoires que ne le sont ceux à CRH, en effet, un stimulus immun qui active fortement les neurones de la CRH est moins efficace pour induire l’activation du gène précoce Fos dans les neurones neurohypophysaires à vasopressine du noyau paraventriculaire.
La contribution de la vasopressine circulante dans le contrôle de la réponse immune n’est pas aussi claire que pour les glucocorticoïdes, mais il y a des données montrant son implication dans la diminution de la réponse inflammatoire périphérique. Au niveau du cerveau, la vasopressine a une action antipyrétique endogène bien décrite permettant de réduire l’augmentation de fièvre consécutive à l’infection. Lorsque l’inflammation est sévère, conduisant à une infection généralisée, au sepsis, la baisse abrupte de tension artérielle est partiellement contrée par une vasoconstriction induite par la vasopressine. La sécrétion d’ocytocine apparait également durant l’inflammation et l’on pense qu’elle promeut la sécrétion d’insuline et de glucagon et donc qu’elle régule le métabolisme périphérique lors d’une infection. D’autres hormones métaboliques peuvent aussi être stimulées pendant l’inflammation. Par exemple, la leptine, une hormone importante dans le contrôle de la prise alimentaire, régule la diminution de l’appétit au cours de l’inflammation. Certaines de ces actions métaboliques périphériques sont aussi dues à une hormone circulante, l’adrénaline, dont la sécrétion par les glandes surrénales est aussi stimulée lors d’une infection.
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« …. lors d’une infection les ressources de l’organisme sont redirigées vers le contrôle de l’infection. »
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Il est intéressant de noter que, de concert avec l’activation de l’axe HPA et des systèmes neurohypophysaires, d’autres fonctions neuroendocrines peuvent être supprimées. Par exemple, l’inflammation entraine la suppression de l’activité de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique. Il en résulte des modifications du comportement et de l’endocrinologie de la reproduction (fonction et longueur du cycle ovarien); ainsi lors d’une infection, les ressources de l’organisme sont écartées des fonctions reproductives au profit du contrôle de l’infection. De façon intéressante, lors des derniers stades de la grossesse, une fois les processus de développement suffisamment avancés, des adaptations spécifiques du cerveau apparaissent afin de contourner ces effets.
Interactions délétères
Les réponses à l’inflammation, qu’elles soient neurales, comportementales et endocrines, fournissent une première ligne de défense importante contre l’infection et aident à restaurer l’homéostasie de l’organisme. Cependant, dans les cas d’inflammations sévères ou chroniques, il peut y avoir des changements délétères dans le cerveau ou au niveau des fonctions hormonales. Par exemple, plusieurs maladies chroniques inflammatoires sont associées à de la fatigue, de la dépression, des troubles du sommeil et de la douleur, des affections qui peuvent être attribuées, en partie, à des changements dans les actions des glucocorticoïdes induits par des cytokines au niveau du cerveau. Une donnée récente particulièrement intéressante, est que plusieurs aspects du fonctionnement cérébral, en particulier la sensibilité de l’axe HPA, peuvent être altérés de façon permanente en réponse à des stresseurs, incluant les infections, contractées par les femmes enceintes ou par les nouveau-nés. Il sera intéressant de mieux comprendre comment les systèmes neuroendocriniens de l’organisme sont altérés lors de ces évènements précoces.
Traduction :
MariePierre -Moisan, INRA UMR1286 (NutrINeurO), Université de Bordeaux, Bordeaux France
Cette brève est produite par la British Society for Neuroendocrinology et peut être utilisée librement pour l’enseignement de la neuroendocrinologie et la communication vers le public.
©British Society for Neuroendocrinology
et Société de Neuroendocrinologie pour la traduction.