Denis Richard
Université Laval Québec
L’obésité résulte d’un déséquilibre entre la prise alimentaire et la dépense énergétique favorisant la déposition excessive de tissu adipeux . Le déséquilibre énergétique est favorisé par l’environnement « obésogène » d’aujourd’hui et par la susceptibilité génétique des individus à l’excès de poids. Au fil des ans, son étude a suscité un intérêt accru compte tenu de l’importance de prévenir et de traiter l’obésité, source de maladies sérieuses et dont la prévalence n’a cessé d’augmenter au cours les 5 dernières décennies. On a pu identifier certains des principaux systèmes ou circuits neuronaux impliqués dans les contrôles de la prise alimentaire et de la dépense énergétique. Ces contrôles sont assurés par des neurones liant différentes structures en réseaux. Le contrôle de la prise alimentaire est ultimement gouverné par un réseau appétitif cortico-limbique impliquant le cortex préfrontal, siège des fonctions exécutives, et la voie dopaminergique mésolimbique qui inclut l’aire tegmentale ventrale et le noyau accumbens et qui gère les composantes motivationnelles/attentionnelles et hédoniques associées à l’ingestion de nourriture. Le réseau appétitif cortico-limbique établit la valeur des stimuli alimentaires et gère l’ingestion en lien avec les variations des réserves énergétiques. De fait, le contrôle de la prise alimentaire dépend aussi d’un réseau autonome qui détecte les variations des réserves et qui gère en plus le contrôle de la dépense énergétique. Ce dernier contrôle est entre autres exercé sur la graisse brune, qui constitue un remarquable effecteur de dissipation d’énergie (thermogenèse). Des travaux récents ont démontré la présence, chez l’homme, d’une graisse brune active, pouvant contribuer à la dépense d’énergie. Le réseau autonome de régulation inclut essentiellement des neurones de l’hypothalamus et du tronc cérébral. Ces neurones sont reliés au réseau appétitif cortico-limbique et contrôlent en parallèle l’activité thermogène de la graisse brune via le système nerveux sympathique (SNS). Ils sont retrouvés dans différents noyaux incluant les noyaux arqué (ARC) et ventromédian (VMH) de l’hypothalamus d’où émergent des neurones produisant la pro-opiomélanocortine (ARC POMC) de même que des neurones synthétisant le facteur stéroïdogénique-1 (VMH SF-1). Les neurones SF-1 du VMH sont des neurones stimulateurs de la thermogenèse. Les neurones à POMC forment, avec les neurones arborant le récepteur de la mélanocortine 4 (MC4R) et les neurones produisant l’agoutirelated- peptide, le système mélanocortine cérébral, dont le rôle dans la régulation du bilan d’énergie apparaît incontestable. La stimulation de ce système produit des effets cataboliques (diminution des réserves énergétiques) en inhibant la prise alimentaire et stimulant la thermogenèse. Les neurones du réseau autonome de régulation du bilan d’énergie sont en mesure de détecter les variations des réserves énergétiques. La détection de ces variations est inhérente aux changements circulants d’hormones ou de nutriments et au processus d’homéostasie énergétique. Les principales hormones homéostatiques sont la leptine et la ghréline dont les effets centraux sont respectivement cataboliques et anaboliques (augmentation des réserves énergétiques). La leptine et la ghréline ont aussi des actions extra-hypothalamiques, précisément sur réseau appétitif cortico-limbique. Ces hormones modulent l’activité du système mélanocortine directement. Elles peuvent agir aussi via des cellules intermédiaires tels les neurones exprimant l’acyl-CoA binding domain-containing 7, dont le rôle dans la régulation du bilan d’énergie vient d’être proposé. Enfin, la leptine et la ghréline exerce leurs effets via des systèmes de signalisation complexes, incluant les complexes protéiques mTOR (mechanistic target of rapamycin), lesquels incluent deptor, protéine exprimée dans l’hypothalamus médiobasal et dont la surexpression prévient l’obésité. En conclusion, l’étude de la régulation du bilan d’énergie a fait des progrès immenses au cours des dernières années mais demeure incomplète et nécessaire à la compréhension de la physiopathologie de l’obésité.